lundi 7 janvier 2019
A San Francisco, pour la croissance
Cette semaine, j'aimerais revenir sur une discussion qui a eu lieu il y a quelques jours, lors d'un séminaire à San Francisco. Au beau milieu d'une soirée, un invité m'a sorti une aberration, en remettant en cause l'idée selon laquelle les pays riches ont besoin de croissance économique. Son idée choc semblait être celle de Baloo dans Le livre de la jungle : « il faut se satisfaire du nécessaire ». Une idée d'autant plus dangereuse que je l'entends constamment. Les pays industrialisés ont bien souvent des difficultés à justifier leur nécessité de croissance économique. Le désir de l'Europe de perpétuer sa croissance économique est d'ailleurs regardé par beaucoup comme critiquable. Cependant, les pays riches ont encore besoin de croissance pour pouvoir progresser en tant que société. Le choix du progrès social n’est pas moins impératif pour un pays riche que pour un pays du tiers-monde ! La raison de cette nécessité est simple : sans croissance, la galette du capital reste la même. Dans ces conditions, l'essor de l’un est alors automatiquement réalisé aux dépens du bénéfice de l’autre. La lutte contre la pauvreté amène par exemple à une diminution des dépenses dans le réseau de transport ; la hausse de la protection sociale est financée par moins de culture ; un nouvel hôpital inspire une diminution de subventions dans la protection de l’environnement... Bref, sans croissance, nous ressentons à quel point notre prospérité est provisoire et fragile. Une société qui vit sans croissance est une société où des citoyens individuels, des industriels et des communautés sont systématiquement dressés les uns contre les autres, car ils se partagent le même gâteau, trop petit pour les nourrir tous. Lorsque la richesse d’un pays croît, au contraire, elle est plus commode à répartir : chacun mange à satiété. La classe moyenne est ainsi davantage portée à partager ses richesses si elle sait qu'elle continuera à croître par la suite. Dans le même temps, une société sans croissance est non seulement plus fermée, mais commence après un moment à écarter l’idée de la redistribution et devient en fin de compte moins démocratique. Les sociétés dont l'économie est en croissance sont donc plus compréhensives (et font évidemment preuve de plus d'ambitions). Lors de ce séminaire, la moitié des français prenant part à la discussion ne croyait pas en cette obligation de croissance. Ce qui pourrait contribuer à expliquer d'une certaine manière l'engourdissement économique français. Je vous laisse le lien vers le site spécialiste de ce séminaire à San Francisco.