mardi 9 mai 2017
Les marchés américains vont bien
Des marchés financiers bien organisés permettent ainsi que soient émis des titres de créance gagés sur des actifs (asset backed securities ou ABS) et notamment des titres commerciaux gagés sur des actifs (asset backed commercial paper ou ABCP). Ces titres sont pour leur majeure partie très diversifiés, reposant sur une assez large variété d’actifs, parmi lesquels se trouvent, en proportion modérée, des prêts hypothécaires immobiliers. Les titres à court terme, parce qu’ils doivent être remboursés et réémis à chaque échéance, sont aussi généralement adossés à une facilité bancaire, les banques s’engageant à fournir la liquidité nécessaire en cas « d’incident de marché ». D’autres circuits de financement fonctionnent cependant à partir d’ABCP reconductibles à vendeur unique, assis sur des collatéraux hypothécaires. Mais la plupart de ces dispositifs sont prémunis d’une chute de la valeur de marché par des swap qui protègeront en dernière instance les investisseurs. Les banques doivent cependant acquérir les titres commerciaux ou les actifs de long terme eux-mêmes, ce qui représente des sommes considérables. L’effet de levier négatif des dispositifs ABCP fut ainsi en moyenne de 10 milliards d’euros par jour au cours des trois dernières semaines d’août 2007. D’autres dispositifs de titres commerciaux ne sont pas structurellement protégés de la sorte, et les investisseurs peuvent ainsi tout simplement perdre leur argent ou devoir attendre fort longtemps avant de pouvoir le récupérer. On peut alors comprendre comment la perte de confiance sur ce marché non protégé a pu se propager à tous les segments du marché ABCP, déclenchant une crise de liquidité généralisée. Une défiance légitime pour ces derniers titres affecte par capillarité l’ensemble des autres, tant il devient difficile d’apprécier alors le risque associé à chaque classe de titres3. C’est alors qu’interviennent les derniers acteurs de la catastrophe financière : les agences de notation. Celles-ci sont en effet censées évaluer la qualité des titres de manière indépendante tout en étant financées par les entreprises qu’elles évaluent. Qui plus est, la note financière globale attribuée par elles à un paquet de titres n’est pas fondée sur le titre le plus fragile (qui se révèlerait bien souvent un « actif toxique »), mais sur l’ensemble, ce qui entretient l’illusion de la qualité moyenne des créances échangées. Les agences de notation ont dès lors joué un rôle capital dans la diffusion au sein du système financier américain et mondial de créances irrécouvrables dont le risque réel a été dissimulé par la pratique de la titrisation. Elles portent même la responsabilité première de la contagion de la crise immobilière américaine à l’ensemble du système financier et du secteur bancaire. Il y a donc bien un défaut de régulation manifeste à l’origine immédiate de la crise qui a ravagé le système financier aux Etats-Unis, et au-delà. Mais il nous faut à présent nous interroger sur les ressorts plus profonds de ce que nous avons appelé la crise globale. Quel en est le rapport entre cette dynamique d’emballement financier et l’évolution des inégalités aux Etats-Unis depuis deux décennies ?